Congo – Traditions & pratiques sexuelles




la femme collective des Bashilele

Tous les jeunes gens de la tribu vivent sous le même toit, le kumbu, où ils peuvent bénéficier des faveurs d’une épouse commune qu’ils chouchoutent.

Les Bashilele (ou Lele) vivent dans le Kasaï occidental, une province de la République démocratique du Congo. Ces Bantous pratiquent la culture sur brûlis du maïs et du manioc, chassent, pêchent. Les anciens monopolisant les richesses, les jeunes gens doivent travailler dur et longtemps avant de pouvoir « acheter » une femme. Aussi commencent-ils par s’en procurer une en commun avec leur classe d’âge. C’est la femme collective. Dans les années soixante, l’ethnologue britannique Shelley Douglas a longuement étudié leur société très complexe, tout comme le démographe congolais Séraphin Ngondo.

Cette épouse commune a de nombreuses vertus. Elle pallie la rareté des femmes due aux nombreux interdits matrimoniaux et à la polygamie des hommes riches. Son statut lui permet de s’affranchir des tabous sexuels. Elle joue même, au sein de la communauté, un rôle de médiatrice. En général, les villages s’organisent autour d’une place carrée. Les hommes sont répartis en quatre classes d’âge (les kumbus) qui occupent chacune un côté du carré. Grand soin est pris que deux classes d’âge qui se suivent ne se côtoient pas, afin d’éviter toute friction. Chaque homme entretient donc des liens forts avec, d’une part, sa parenté qui peut se répartir dans plusieurs villages et, de l’autre, avec ses frères d’âge. Quand les jeunes gens d’un kumbu atteignent l’âge de se marier, ils commencent par se procurer, faute de moyens, une femme collective. Celle-ci peut être fournie par une classe d’âge supérieure avec une de leurs petites filles. Mais si les anciens ne s’exécutent pas, alors les jeunes gens n’hésitent pas à enlever leur future épouse dans un village voisin. À moins qu’une célibataire ne les rejoigne d’elle-même.

Celle-ci n’est absolument pas leur esclave sexuelle comme on pourrait le penser. Pendant six mois à deux ans, l’épouse collective est chouchoutée par ses époux, qui la nourrissent et effectuent toutes les tâches ménagères pour elle. Ils doivent aussi l’amuser, la séduire. Les maris rivalisent d’imagination pour cela. Cette situation avantageuse pour la jeune femme peut durer de six mois à deux ans, le temps que les frères d’âge réunissent sa dot et la remettent à ses parents. Une épouse collective coûte 300 bandes de raphia (contre seulement 150 pour une épouse monogame). La dot versée, l’épouse sélectionne les hommes du kumbu qui lui plaisent suffisamment pour devenir ses époux permanents. Il ne serait pas vivable pour elle de satisfaire ad vitam æternam les besoins sexuels de la trentaine de jeunes gens qui cohabitent. On ne voit ça que dans la télé-réalité… Au cours d’une cérémonie, elle sélectionne environ cinq hommes, ceux qui ont fait le plus d’efforts pour la séduire. Chaque époux potentiel est représenté par un bâton fiché en terre. La jeune femme fait tomber ceux dont le propriétaire ne lui convient pas.

Elle s’installe alors dans une hutte indépendante où elle reçoit ses époux permanents à tour de rôle. Elle leur fait la cuisine, entretient leurs affaires et leur fait l’amour. Elle doit également leur rester fidèle. Du moins dans le village, car dans la forêt, elle peut se donner à qui lui chante, à l’exception des étrangers au village. Il ne faudrait pas exagérer, non plus. Ses enfants bénéficient d’un statut spécial d’enfants du village. Un de ses époux permanents peut fréquenter une autre femme, mais à chaque incartade, il doit payer une amende, entre 5 et 10 bandes de raphia.

Une fois que les hommes du kumbu parviennent à rassembler suffisamment de feuilles de raphia pour payer seuls une dot, ils s’achètent une « épouse personnelle ». Celle-ci n’est pas partagée avec les frères d’âge. En revanche, l’époux continue à profiter de son épouse collective s’il le désire. À noter que lors d’un conflit entre tribus, ce sont les femmes collectives qui sont envoyées comme négociatrices, bénéficiant d’une sorte d’immunité. Aujourd’hui, la tradition des femmes collectives est quasiment tombée en désuétude. Du reste, d’autres ethnies africaines ont pratiqué la polyandrie, mais pas forcément la même que celle des Lele. Au Rwanda, par exemple, la coutume considérait que les femmes mariées avaient des besoins sexuels qui devaient être satisfaits comme n’importe quel autre besoin naturel : manger, boire.

Aussi, durant les longues absences de son mari, l’épouse pouvait prendre un partenaire provisoire. En échange de quoi, celui-ci la protégeait en cas de danger. Néanmoins, pour que ces amours extra-conjugales ne tournent pas au vinaigre, entraînant des violences entre rivaux, capables de déstabiliser la tribu, les femmes étaient éduquées durant leur enfance pour rester très pudiques. À la veille du mariage, les matrones délivraient leurs derniers conseils en la matière : toujours choisir un partenaire sexuel accepté par la coutume, mais ne jamais en faire un amant régulier afin de ne pas déclencher la jalousie du mari officiel. Cependant, il ne faut pas non plus fâcher ce partenaire occasionnel en se refusant à lui, car il constitue un mari potentiel en cas de veuvage. Ce que les matrones expliquent avec ces mots : « Tes partenaires sexuels sont comme ton mari. Ils sont tous tes taureaux. On ne barre pas le chemin à un taureau, et là où ont lieu les préparatifs sexuels du taureau pour mettre la vache en chaleur, c’est là où il doit la monter. » Enfin, il ne peut pas être question pour l’époux officiel d’interdire à son épouse de rejoindre un partenaire privilégié. Si jamais sa jalousie l’y pousse, il se voit morigéner par le conseil de famille. (Source – Le Point Culture)



A propos Paola

Mon pseudo "Kaki Sainte Anne" Ecrivaine, mais je suis Béatrice Vasseur et je signe tous mes articles ici sous le nom de "Paola"
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