Mali – La bataille de Tondibi (suite)


Bonjour à toutes & tous, alors en ce jeudi, nous allons continuer l’histoire, afin de voir les prémices de la bataille de Tondibi.

“L’expédition du Soudan” est le nom donné par la chancellerie saadienne à l’invasion et à la destruction de l’Empire songhaï par le corps expéditionnaire de Djouder Pacha en 1591. La première mention d’une conquête du Songhaï faite par El-Mansour a lieu devant les oulémas de Marrakech vers 1586.
La réaction hostile des oulémas, qui soulignent les dangers d’une telle entreprise, oblige El-Mansour à différer son projet.
Une guerre menée par un souverain musulman contre un autre souverain musulman n’est pas pour mobiliser les docteurs de la loi.
Près de quatre ans plus tard, El-Mansour a réuni un corps expéditionnaire, essentiellement constitué de mercenaires : des Andalous et des Grenadins, les uns chrétiens, les autres Morisques, descendants des musulmans expulsés progressivement d’Espagne après la chute de Grenade (1492). Ils servent d’arquebusiers et sont organisés à la manière turque en 170 tentes de 20 soldats, soit près de 3 500 hommes.
Les accompagnent des fantassins marocains (2 000 piquiers environ) des spahis (combattants irréguliers payés sur le pillage) et des lanciers marocains, peut-être 1 500 cavaliers en tout. Une artillerie servie par des mercenaires anglais appuie l’ensemble du corps expéditionnaire: six pièces d’artillerie de campagne et une dizaine de mortiers à boulets de pierre achetés en Angleterre auprès de la reine Élisabeth 1ère, dont les compagnies de commerce entretiennent les meilleurs relations avec le sultan. L’Intendance est assurée par un train chamelier (8 000 dromadaires conduits par 1 000 chameliers) et de 1 000 chevaux constitué par des échanges de chameaux mâles aptes au bât contre des chamelles pleines, échanges effectués auprès des tribus berbères et touaregs du Touât et de Mauritanie.

Le sultan El-Mansour a également fait construire des galiotes et des felouques en pièces détachées, destinées à être remontées sur le fleuve Niger par une seconde colonne dirigée par Mahmoud ibn Zarqun. Si l’objectif immédiat est la destruction du Songhaï, El-Mansour vise toujours à contrer l’expansionnisme portugais au niveau du golfe de Guinée. La mise en place d’une flotte fluviale sert cet intérêt stratégique de long terme. Par ailleurs le fleuve Niger, appelé systématiquement “NIL” dans la documentation de la chancellerie saadienne, n’est pas encore identifié comme un cours d’eau différent du Nil d’Égypte. El-Mansour affiche régulièrement le projet de faire gagner l’Égypte à son armée. Dans cette éventualité il a mobilisé, parmi les 2 000 spécialistes affectés à l’expédition, des marins qui apportent les rames pour les galiotes. En tout, le corps expéditionnaire est évalué à 22 000 hommes. Les auteurs contemporains sont plus réservés, peut-être 8 000 hommes en comptant les servants et les conducteurs du train, certains abaissant le nombre de combattants jusqu’à 1 000 arquebusiers, soit un corps expéditionnaire ne comptant pas plus de 4 000 hommes. Le commandement de la première colonne est confié à un affranchi du sultan de Marrakech, Djouder Pacha, un natif de Las Cuevas en Espagne. Certains auteurs le disent eunnuque du Sultan, ce qui suppose une capture ancienne dans son jeune âge, d’autres le disent seulement “favori” d’El-Mansour. Une chose est certaine, c’est un fort caractère qui n’hésite pas dans un premier temps à demander son retour rapide à Marrakech après Tondibi puis à le différer jusqu’en 1599, date à laquelle il accompagne El-Mansour dans sa guerre contre les princes héritiers. Djouder est exécuté en 1604 par Moulay Abdallah, qui sort victorieux de la guerre civile.

Appelés “renégats” dans les traductions francophones des sources arabes, ces chrétiens convertis à l’Islam et au service militaire de princes musulmans sont une réalité banale à la Renaissance, de même que l’utilisation d’esclaves ou d’affranchis dans les corps d’armée, voire aux postes de commandement. Les frères Kayr el-Dine, qui tiennent la régence d’Alger dans la première moitié du 16ème siècle sont Grecs chrétiens convertis, et terminent leur carrière Kapudan Pacha, comme Hassan Venezziano qui est Italien, ou Djafar Pacha qui est Albanais. Les janissaires, corps d’arquebusiers d’élite des califes de Constantinople, sont tous d’extraction servile et chrétienne, les mamelouks d’Égypte sont  issus des populations caucasiennes de la Mer Noire.
Djouder Pacha est accompagné par un état-major mixte de mercenaires et de Marocains constitué de 11 caïds et par une garde personnelle de 70 Européens sortis des geôles marocaines. La seconde colonne portant les renforts et la flotte fluviale en pièces détachées est confiée à Mahmoûd ben-Zergoun Pacha, lui aussi un converti proche d’El-Mansour.

Les prémices, Djouder Pacha part de Marrakech, où l’armée s’est concentrée lentement, aux alentours de la mi-octobre, début novembre selon les auteurs. Sa colonne franchit le Drâa et l’Atlas marocain par les passes du Glaoui (aujourd’hui la Kasbah de Télouet au Maroc, dans l’Anti-Atlas, fait jonction avec le train chamelier et les troupes irrégulières entre Ouarzazate et Zagora, puis file vers les oasis du Touât avant de descendre plein sud, suivant en cela les caravanes transsahariennes commerçantes. L’intendance (blé, orge, dattes) est prévue pour 100 jours de marche de Marrakech à Tombouctou, dont 70 dans le désert du Sahara (au total 135 jours de marches), soit la vitesse de déplacement d’une caravane commerçante habituelle. Il passe à l’est d’Araouane, après avoir réquisitionné la caravane d’un marchand marocain, preuve que la traversée avait été plus dure que prévu, en tout cas pour les animaux de bât. Fin février il est devant Tombouctou, peut-être le 28. Il contourne la ville aux fortifications puissantes et livre une première bataille à Karabara, dont le lieu exact reste incertain : aujourd’hui près de Bamba au Mali selon certains, peut-être Kabara, l’avant-port de Tombouctou, d’autres situent son arrivée à Bawa à l’ouest de Tombouctou, sur les rives du fleuve Niger. Les sources ne disent pas quelle est l’issue de la bataille, mais elle n’est pas concluante car les Songhaïs gardent le contrôle du champ de bataille, jetant les mousquets des Marocains dans l’eau du fleuve, en signe de mépris pour cette arme qu’ils jugent bonne seulement pour des lâches.

Ishaq II est informé de la descente marocaine. Mais il n’escompte pas une offensive directement sur Gao, sa capitale, via Teghazza et Taoudéni. Les confédérations touarègues fidèles ont bouché les puits et les sources d’eau le long d’un axe Taoudéni-Araouane-Tombouctou, en pure perte puisque Djouder Pacha est passé 250 kilomètres plus à l’est. Le Songhaï s’est préparé à la guerre, mais la vitesse de marche de Djouder Pacha et sa route surprennent les dignitaires songhaïs. Ishaq II et ses conseillers imaginaient une invasion marocaine vers le Songhaï utile, c’est-à-dire vers les villes situées entre Djenné et Tombouctou. L’armée songhaï se met donc en route vers Djouder Pacha en suivant les berges du fleuve Niger. Une flottille de pirogues à balanciers (le Songhaï en compte 2 000 sur le fleuve Niger, servis par les Bozos suit l’armée pour l’intendance et la devance pour éclairer sa marche. Quand les deux armées se rencontrent enfin, ce n’est une surprise ni pour les uns, ni pour les autres.

L’armée marocaine. Les chiffres donnés par les différents chroniqueurs et même par les historiens contemporains sont tellement différents qu’il semble illusoire de se faire une idée de la taille réelle des armées en présence. Aux vingt mille hommes d’El-Ifrani et aux vingt-deux mille d’Al-Zayyâni pour le corps expéditionnaire de Djouder Pacha, de Castries propose 4 000 hommes dont la moitié aurait péri durant la traversée du désert, soit 2 000 présents à Tondibi. Les Tarikhs donnent pour le même corps expéditionnaire 4 000 combattants et le double de servants et d’ouvriers, soit une force de près de 12 000 hommes. Les chiffres bas (moins de 4 000 hommes) donnés par les auteurs européens de la première moitié du 20ème siècle sont plutôt en rapport avec les effectifs des colonnes sahariennes coloniales du 19ème siècle qu’avec les chiffres des sources arabes. Les chiffres donnés pour l’armée songhaï par les Tarikhs, sans être hors de proportion avec les capacités logistiques des empires, restent théoriques : 12 000 cavaliers et 30 000 fantassins dans les rangs songhaïs, quand John Iliffe propose entre 10 000 et 20 000 hommes. Ni de Castries pour les effectifs de l’arme saadienne, ni Iliffe pour les effectifs des armées songhaï ne justifient ces variations par rapport aux sources officielles.

Quand à l‘armée songhaï, l‘analyse de Jean Boulègue sur les tailles des armées soudanaises est intéressante. On peut en déduire que les askias pouvaient en théorie mobiliser 40 000 combattants. Le Songhaï disposait en effet de trois corps d’armée permanents de près de 4 600 hommes chacun, un dans le Kurmina sous le commandement du Balama, un autre à Gao sous le commandement de l’Askia et un autre dans le Dendi, la région située en aval de Koukya, la capitale religieuse et historique du Songhaï. Ce corps d’armée situé sur la frontière sud-est de l’Empire étant le moins puissant des trois. Le reste de l’armée songhaï était constitué de la flottille fluviale de 2 000 pirogues commandée par le Hi-Koï, amiral et ministre de l’Intérieur, un des principaux dignitaires de l’Empire. Des contingents des royaumes vassalisés constituaient le gros des troupes : Mossis, Dendis et Macinas fournissaient l’infanterie. Or l’arrivée des Marocains coupe l’Empire en deux, privant l’Askia Ishaq II du corps d’armée du Kurmina et d’une partie de sa flottille, tandis que l’agitation aux frontières empêche le corps d’armée du Dendi de venir à temps.

La guerre civile, qui avait divisé l’Empire, avait aussi divisé l’armée en deux, l’Askia Ishaq II ne pouvait mobiliser les forces de l’Ouest dont les quartiers généraux étaient à Tombouctou et à Djenné, soit derrière les lignes de Djouder. Il ne disposait plus en théorie que des deux corps d’armée professionnels de Gao et du Dendi, d’une partie de sa flottille fluviale et d’alliés touaregs et du Gourma difficilement estimables. Le Tarikh al-fettach qui propose 18 000 cavaliers et 9 700 fantassins donne par ailleurs une image plus juste d’une armée songhaï amputée de ses contingents professionnels et plus qu’essentiellement constituée d’une chevalerie noble.
Les armées songhaïs sont très inégalement armées et équipées. À la différence des armées de l’empire du Mali (1230-1468) qui étaient constituées de contingents agrégés des guerriers libres de leurs vassaux, mobilisés à la morte saison sur le même schéma que l’ost médiéval, les armées songhaïs depuis Sonni Ali Ber sont constituées d’un noyau de soldats professionnels mobilisés à plein temps et pour une large part de caste servile, propriété de l’Askia. Ce sont ces contingents de fantassins qui forment les trois corps d’armée stationnés en permanence le long du fleuve Niger.

Outre la mise en place d’une armée permanente, le Songhaï modifie profondément l’armement et l’équipement des troupes permanentes : les javelots à fer en cuivre remplacent les anciennes lances, les armures équipent les cavaliers, les fantassins sont protégés de cuirasses en cuir d’hippopotame. Les auteurs marocains et soudanais parlent volontiers des “armures”, sous-entendu des armures de fer, des fantassins et des cavaliers songhaïs, que ceux-ci revêtiraient sous leurs tuniques. Sous le terme d’armure, les armées soudanaises rangent deux types de protection : d’une part de solides gambisons, d’autre part des cottes faites soit de mailles de fer (portées en particulier par les guerriers du Kanem-Bornou sur le modèle des cataphractaires) soit de plaques légères de fer. L’incertitude vient du fait qu’on parlera au Soudan d’armure y compris pour les cavaliers équipés de gambison, comme les officiers de la colonne Voulet et Chanoine et de la mission Joalland-Meynier s’en rendront compte en affrontant la chevalerie du sultan de Zinder (1899). Les dépenses occasionnées par un tel équipement excluent progressivement les hommes libres de condition modeste des rangs de l’armée. Désormais la guerre oppose une aristocratie guerrière solidement et coûteusement équipée, épaulée par des combattants professionnels bien armés aux traditionnels hommes libres, guerriers et chasseurs. L’armée songhaï s’impose sur ces combattants traditionnels par la supériorité de son entraînement et de son équipement. Djouder Pacha n’affronte donc pas une horde indisciplinée de guerriers valeureux mais quasi nus ; il a en face de lui une armée structurée et solidement équipée, entraînée et à l’idéologie belliqueuse affirmée.
(Source : Wikipédia)

Voilà mes chers(es) amis(es), ce sera tout pour aujourd’hui, demain je vous parlerais du déroulement de la bataille, mais finalement on s’aperçoit que beaucoup de guerres se sont faites dans tous les pays du monde, souvent pour un bout de territoire et affirmer la grandeur d’un seul homme. C’est vraiment dommage, mais de comprendre le déroulement de l’histoire est tout aussi intéressant.
Je vous souhaite donc une bonne fin d’après-midi et un très bon début de soirée entourés(es) des personnes que vous aimez.
Les images posées sur cet article ne sont pas ma propriété, ni celles du site.
Paola

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Mon pseudo "Kaki Sainte Anne" Ecrivaine, mais je suis Béatrice Vasseur et je signe tous mes articles ici sous le nom de "Paola"
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