Nous allons terminer cette journée en parlant un peu musique et surtout d’une personne que beaucoup connaissent. Il s’agit de Mory Kanté.
C’est le 29 mars 1950 en plein pays mandingue, dans un petit village du sud de la Guinée, Albadaria, près de Kissidougou, que naît Mory Kanté. Son père, El Hadj Djeli Fodé Kanté, est déjà un très vieil homme et Mory compte parmi les plus jeunes de ses 38 enfants.
La famille Kanté est une célèbre famille de griots, des poètes, chanteurs, historiens et journalistes à la fois, véritables mémoires vivantes dont le rôle est depuis la nuit des temps de conter en musique les épopées sans fins des familles et des peuples.
Les parents de Mory sont tous les deux griots, fonction héréditaire, et son grand-père maternel était un puissant chef de griots à la tête d’une soixantaine d’entre eux.
Le destin de l’enfant est donc tout naturellement de devenir un “jali”, terme mandingue pour “griot”.
Élevé d’abord par sa mère malienne Fatouma Kamissoko, Mory va à l’école française.
À 7 ans, sa famille l’envoie à Bamako, chez sa tante, Maman Ba Kamissoko, autre célèbre griote. Jusqu’à 15 ans environ, il est initié aux rituels traditionnels, au chant et au balafon. Il participe à de nombreuses fêtes familiales, à des cérémonies officielles au cours desquelles il se forge une expérience solide de musicien et de chanteur.
Au cours des années 1960, la toute jeune République du Mali, reçoit de nombreuses influences musicales : rumba zaïroise, salsa cubaine, pop et rock anglo-saxons.
Le jeune Mory se passionne très jeune pour ces nouvelles musiques électrifiées et apprend la guitare. Fort d’une très riche expérience traditionnelle, il se tourne vers une certaine modernité très éloignée de son cadre familial.
En 1968, il quitte l’école pour intégrer l’Institut des Arts de Bamako.
Mais dès 1969, il cesse sa formation et joue dans différents orchestres, notion équivalente du « groupe » occidental. Il se forge une première notoriété en faisant danser les maliens des nuits entières dans des bals à ciel ouvert, les apollos.
En 1971, Mory a 21 ans. Il est repéré par le saxophoniste Tidiana Koné qui lui propose d’intégrer son groupe, le Rail Band de Bamako, fameux orchestre de l’hôtel de la gare. Mory accepte et prend place dans l’orchestre dont le chanteur n’est autre que le Malien, Salif Keïta.
Lorsque Salif Keïta quitte le groupe en 1973, Mory Kanté le remplace au chant.
D’abord hésitant, il prend très vite goût à ce nouveau rôle.
La formation tourne dans toute l’Afrique de l’ouest où Mory devient un artiste connu. En 1976, il reçoit le Trophée de la “Voix d’or” au Nigéria. Parallèlement, il apprend la Kora et transgresse ainsi une certaine tradition qui veut que le balafon soit l’instrument noble dans sa famille. Il devient cependant très vite un virtuose de cette harpe à 21 cordes.
Il exerce également ses talents de compositeur en écrivant des musiques pour des chœurs et des ballets. Enfin, il enregistre avec le Rail Band, une longue épopée dans la plus pure tradition des griots, “L’Exil de Soundiata, le fondateur de l’Empire mandingue”.
En 1977 il entreprend à titre personnel une tournée des grands sites historiques de l’empire au cours de laquelle il rencontre de nombreux maîtres de la tradition afin de parfaire son rôle de griot. En dépit des variations modernes qu’il impose à la tradition musicale, Mory Kanté ne mettra jamais de côté son hérédité familiale.
En 1978, Mory est installé à Abidjan ville musicalement très active et où les moyens de travailler et d’enregistrer sont surtout plus nombreux. Le musicien s’éloigne alors du Rail Band, et s’entoure d’un nouvel ensemble de musiciens, dont Djeli Moussa Diawara son demi frère maternel. Désormais, la Kora est au centre de son travail. De plus en plus, il songe à renouveler la musique traditionnelle en y insufflant des sons et des rythmes occidentaux. Le groupe est engagé par un des plus grands restaurants de la ville qui recherche une façon un peu originale d’animer ses soirées. L’occasion est excellente pour que Mory Kanté se lance dans des mélanges musicaux encore inédits.
C’est à Los Angeles, sur le label du noir américain Gérard Chess, Ebony, que Mory Kanté enregistre son premier disque en 1981 Courougnègnè.
L’artiste affine ses heureux mélanges entre tradition et modernité, entre instruments traditionnels et électriques. Déjà très connu en Afrique de l’Ouest, Mory devient une star sur tout le continent. Le pont musical qu’il créé entre l’Afrique et l’occident est en général bien accueilli. Mais, c’est en Europe que le Guinéen souhaite venir travailler.
Ce désir devient réalité en 1984 Seul, sans son épouse et ses enfants restés en CI, Mory Kanté arrive en France en plein hiver avec la ferme intention d’aller plus loin encore dans ses expériences musicales et de se faire connaître en Europe. En France, Mory Kanté n’est pas une star et le démarrage n’est pas facile. Cependant, la musique africaine explose en Occident, Mory, qui n’a pas attendu les années 1980 pour se lancer dans ces mélanges, s’impose vite sur le marché musical.
Dès 1984, sort un premier album Mory Kanté à Paris produit par le producteur africain Aboudou Lassissi. L’accueil critique et public est bon et Mory Kanté se fait connaître en quelques mois. Il multiplie les concerts dans toute l’Europe, notamment en Italie où il est une énorme vedette. Artiste émigré et sans carte de séjour, il devient une figure essentielle de la scène “world”. En , il passe à la Mutualité. En décembre, au New Morning. En , il est invité au festival du Printemps de Bourges. Puis du au , Jacques Higelin, qu’il avait rencontré des années auparavant en Afrique, le convie sur scène à Bercy, devant 16 000 personnes chaque soir avec le sénégalais Youssou N’Dour.
En 1985, le camerounais Manu Dibango prend l’initiative d’inviter les artistes africains à enregistrer une chanson au profit des Éthiopiens, victimes de la famine qui sévit alors. Mory Kanté fait naturellement partie du projet.
C’est en Italie qu’il fait la connaissance du producteur américain David Sancious, qui s’est illustré en travaillant avec Bruce Springsteen. Le mariage de leurs deux talents donne naissance à un troisième album, Ten Cola Nuts, qui sort en avril 1986 sur le label français Barclay. Ces noix de cola représentent des offrandes rituelles et des vœux de bonheur. La kora est toujours au centre de l’album, mais les synthétiseurs et les cuivres viennent enrichir l’ensemble. Le travail est très soigné et salué par la presse comme une sublime réussite. Les scores de ventes sont moyens mais cette fois, Mory Kanté a réellement trouvé un équilibre musical et culturel. Juste après la mort de son père à plus de cent ans, le jeune griot guinéen entame une très longue tournée avec un premier concert au Zénith de Paris le . En juin, il fait un passage en CI et au Sénégal où il participe à un rassemblement anti-apartheid organisé le , sur l’Île de Gorée, l’île aux esclaves, au large de Dakar. Durant l’été, il tourne entre la France et l’Italie avant d’entamer une tournée internationale qui le mène en Afrique du nord, aux États-Unis, au Japon, en Australie. Partout, il rencontre un public enthousiaste de découvrir cette culture africaine, et en particulier mandingue. Sur scène, Mory est entouré de seize musiciens et sept danseurs. Le groupe de Mory Kanté est à l’image de sa musique, profondément métissé et possède autant de nationalités qui partagent leurs cultures et leurs expériences.
Ce sera tout pour aujourd’hui et je partagerais la suite de l’histoire de Mory Kanté demain soir. En attendant, je vous souhaite à toutes & tous une bonne fin de journée et une excellente soirée remplie de sérénité.
Prenez soin de vous et des vôtres.
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Paola